Si l'on devait choisir un cas d'école récent pour la fraude scientifique, le scandale lié aux travaux du Néerlandais Diederik Stapel ferait un excellent candidat. A lui seul, ce chercheur a durablement écorné l'image de toute une discipline, la psychologie sociale, et mis en lumière quelques failles du système scientifique. L'affaire a éclaté à la fin du mois d'août 2011, à l'université de Tilburg, où Diederik Stapel enseignait : trois jeunes chercheurs ont alors fait état de leur suspicion pour les données de ses expériences, tant celles qui figuraient dans les études qu'ils publiait que celles qu'il fournissait à ses étudiants. Très rapidement, il s'est avéré que le professeur avait falsifié voire inventé des jeux entiers de données, ce que Diederik Stapel, auteur de quelques articles retentissants, a d'ailleurs rapidement reconnu, dès septembre 2011. Démis de ses fonctions, il a fait l'objet d'une enquête poussée, menée à la fois par l'université de Tilburg et par celles d'Amsterdam et de Groningue où il avait auparavant travaillé. Les commissions ont rassemblé tout le matériel scientifique disponible utilisé et publié par Diederik Stapel entre 1993 et 2011 : questionnaires pour les expériences, jeux de données, hypothèses testées, messages électroniques... Tous les chiffres ont été confiés à une batterie de statisticiens qui les ont épluchés.
Les résultats de cette enquête ont été rendus publics le 28 novembre dans un rapport d'une centaine de pages et ils sont édifiants : sur les 137 articles que Diederik Stapel a publiés, 55 contiennent des données inventées ou trafiquées. L'analyse statistique fait peser de très forts soupçons sur une dizaine d'autres travaux, mais l'absence des données originales ne permet pas d'aller plus loin. A l'heure qu'il est,
31 études ont fait l'objet d'une rétractation dans les revues où elles sont parues. Mais il y a plus grave : Diederik Stapel a fourni de fausses données pour les thèses de dix étudiants qu'il supervisait, dont le travail est donc définitivement entaché. Selon les commissions d'enquête, aucun des co-auteurs de ses articles ou de ses thésards n'a été complice de cette fraude massive.