La Science de l'EspritS


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Penser l'enfermement avec 5 grands philosophes

Du sentiment d'ennui de l'homme cloîtré décrit par Pascal à la joie de l'isolement retrouvé de Schopenhauer, en passant par la quarantaine vécue par Rousseau ou le "rêve politique de la peste" et le "grand renfermement" étudiés par Foucault, la philosophie est traversée d'expériences de confinement.
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" Le Silence", peinture de Edward Hopper (1882-1967)
L'expérience de l'enfermement a pu être traitée de bien des manières par les philosophes. De l'insupportable sensation d'ennui de l'homme cloîtré dans sa chambre à l'heureux isolement retrouvé, en passant par l'instrumentation politique de l'enfermement et l'analyse des effets de la détention sur l'âme et le corps, la philosophie peut nous aider à penser le confinement. Tour d'horizon non exhaustif.

Du malheur de ne pas savoir rester chez soi, avec Blaise Pascal
« Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. »
Il est parfois en effet bien difficile de rester cloîtré sans rien faire, et de voir alors surgir des pensées qui ne nous auraient sûrement pas traversé l'esprit si nous avions pu nous affairer dehors, dans le monde... Pour éviter cela, nous tentons de nous divertir : toute distraction, futile ou sérieuse, est bienvenue.

Candle

Confinement : et si on en faisait aussi une expérience spirituelle ?

Le confinement avait à peine débuté que les psys se jetèrent dessus - et sur nous - pour nous prévenir des multiples dangers que nous courions. Mais La Fontaine déjà nous avait mis en garde contre les méfaits guettant son ours « confiné par le sort dans un bois solitaire » :

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« Il fût devenu fou : la raison d'ordinaire
N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés.
Il est bon de parler, et meilleur de se taire. »
Il n'est pas mauvais d'entreprendre notre psychothérapie du confinement par le Grand Siècle, qui a eu son lot d'épidémies, de famines et de guerres. Donc La Fontaine et Pascal. Je sais, je me répète.

Tous ceux qui ont la chance - et je mesure bien ce véritable privilège - de bénéficier du télétravail et d'un jardin, d'habiter la France rurale et périphérique ( tiens, une forme de revanche... ), peuvent déjà mesurer l'ampleur de l'expérience spirituelle déjà en cours. Qu'ils le veuillent ou non, décident de l'accueillir ou pas, elle s'est approchée d'eux, leur fera signe durant ces semaines. On pourra rabattre les choses - et rebattre les cartes !- sur les questions médicales, politiques, éthiques, judiciaires - et il le faudra -, on ne pourra pas ne pas constater que quelque chose d'autre a lieu.

D'abord par le silence. Plus de circulation, plus de cyclos pétaradant, plus de bruits d'écoles, d'attroupements, plus de groupes en terrasses, plus de cafés, des rues silencieuses. Nous rendons-nous compte que, pour la première fois depuis des décennies, des millions de Français et d'humains ont redécouvert le monde d'avant tous ces bruits de la modernité ? C'est une façon de nous réinscrire dans une histoire humaine longue, de nous relier aux siècles et aux millénaires passés. Alain Corbin et son Histoire du silence doivent nous guider en ces jours de retraite. Le Samedi saint tous les jours, dans un monde qui ne faisait plus de place ni au silence, ni au dimanche.

Eye 1

SOTT Focus: L'insatiable cupidité d'une économie tentaculaire - Une étude de cas du virus du wétiko

Ce qui suit est la deuxième partie d'une série de trois. Lire la première partie ICI. La troisième partie sera traduite prochainement. Cette série a initialement été publiée en 2011.

Dans la première partie de cet article, j'ai envisagé une maladie psycho-spirituelle de l'âme qui mine le développement évolutif de notre espèce, une maladie que j'appelle égophrénie maligne et que les indigènes appellent wétiko. Cette maladie est non-locale, en ce sens qu'il s'agit d'une pathologie intrinsèque à l'esprit, à l'âme et à la psyché, dont on peut analyser l'activité à travers la trame du monde extérieur. Cette maladie psychique est incarnée et matérialisée dans le monde entier par certaines personnes, groupes de personnes, sociétés ou États-nations. Des situations spécifiques — telles que la destruction de la forêt amazonienne par une myriade de multinationales, ou l'institution par Monsanto des semences Terminator pour contrôler la production et l'approvisionnement alimentaire — constituent des manifestations de ce processus intérieur autodestructeur, à la fois de façon littérale et symbolique. Certains symboles puissants du rêve éveillé que nous partageons nous révèlent cette dynamique intérieure et vampirique de façon littérale, un processus stupéfiant dans lequel nous sommes privés de ce qui nous est essentiel.
Pieuvre économie mondiale
© George LuksCaricature anti-monopolistique intitulée La menace du moment, 1899
Si l'on considère le système financier mondial comme une entité symbolique, ce sont les représentations graphiques et schématiques de son architecture, de ses opérations et de sa conception qui révèlent le virus du wétiko. Toute personne dotée de discernement peut ainsi déceler les signes révélateurs et les empreintes de cette psychopathologie malveillante à l'œuvre. L'économie mondiale — que l'on peut à juste titre appeler la « wétikonomie » — réduit tout à un résultat net de dollars et de centimes et expose ainsi la logique linéaire et angoissée de la maladie du wétiko. Nous vivons dans une horrible structure économique abstraite, elle-même symbole vivant et représentation de la folie incontrôlable du virus du wétiko, et le système financier mondial constitue l'un des plus rapides vecteurs lui permettant de devenir pandémique.

L'économie en tant qu'entité est une projection de la psyché humaine collective, mais plus particulièrement celle des « grands wétikos », détenteurs d'un pouvoir disproportionné dans l'élaboration de son système d'exploitation et dans la gestion de ses opérations quotidiennes dans le monde. Dans la wétikonomie, l'argent est devenu indispensable à notre survie biologique, ainsi qu'à notre bien-être psychologique et à notre besoin de prestige social. La quête d'argent s'est par conséquent ancrée dans les centres les plus primaires de notre nature animale. Il peut en résulter une dépendance à même de nous conduire très vite dans une spirale infernale vers la décadence, une véritable « foire d'empoigne », une course effrénée et addictive pour le « dollar » dans le culte grandissant de Mammon — le Dieu de l'amour de l'argent. Il est intéressant de noter que l'estimé économiste John Maynard Keynes considérait l'amour de l'argent comme une forme de maladie mentale. Notre besoin d'argent devient le « crochet » par lequel les grands wétikos, qui contrôlent l'offre et la valeur de l'argent, peuvent « tenir en laisse » et manipuler l'humanité. En d'autres termes, ils ont conçu l'économie et l'utilisent pour triturer la psyché humaine collective et, ce faisant, l'influencer et la déformer pour qu'elle se comporte selon le mécanisme du wétiko.

Heart - Black

Dans les EHPAD, ils meurent en silence

Pas besoin de longues recherches bibliographiques. Les chiffres sont très simples. Le sinistre compteur a dépassé, en France, les 12.000 morts du coronavirus, dont 8.000 dans les hôpitaux et 4.000 dans les EHPAD, acronyme inhumain pour « établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ».
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Ce bilan appelle une remarque liminaire : je n'entends parler d'aucun mort dans les cliniques. Fermées, confinées, consacrées à d'autre pathologies plus habituelles ? Juste un petit problème sémantique ? La sémantique est pourtant si importante, en temps de guerre. Elle s'appelle alors la propagande...

Mais la seconde remarque est autrement plus grave. 4.000 morts chez nos anciens les plus vulnérables.

Eux décèdent en silence. Sédatifs, pas de réanimation possible puisque les lits en réanimation sont... disons... comptés.

Eux décèdent seuls, puisque les visites des familles sont interdites.

Book 2

Un grand roman humaniste sur la condition humaine durant la Grande Dépression : « Les Raisins de la Colère » de Steinbeck

Parmi les phrases que l'on attribue à Winston Churchill, il en est une que l'Amérique profonde qui a élu le sinistre clown nommé Donald Trump ferait bien de méditer : « A nation that forgets its past has no future », qui a été transposée en « Un peuple qui oublie son passé est appelé à le revivre ».
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© Dorothea Lange
En effet le message poignant, clair et fort que John Steinbeck, prix Nobel de littérature en 1962, a délivré à travers son célèbre roman, publié en 1939, The Grapes of Wrath (Les raisins de la colère) qui lui valut le prix Pulitzer, est celui de l'analyse froide sans concession de ce qui s'était passé dix ans plus tôt, la crise de 1929, également appelée The Great Depression.

L'effondrement de l'économie américaine, à la fin de l'été 1929, et les conséquences directes pour le peuple, les petits de la société, les plus démunis ont été superbement décrits par Steinbeck dans l'improbable quête de la famille Joad.

Les fréquents et violents orages, alliés ensuite à une implacable sécheresse, qui se sont abattus sur le Middle West, ont anéanti les récoltes de la famille Joad, et la férocité des banques ( déjà ! ), qui ont saisi toutes les maisons des paysans devenus insolvables, l'a poussée à quitter l'Oklahoma, en croyant atteindre le paradis, à savoir l'eldorado californien. La route sera pénible et semée d'embûches douloureuses, sur cette Route 66, dépourvue de tout romantisme à l'époque.

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Magic Wand

Et la tendresse pendant le confinement, qu'en dites-vous ? 45 artistes de la chanson française chantent « La Tendresse »

Cette idée de chanson commune (mais confinée) a été lancée par le jeune Valentin Vander, puis la vidéo a été montée, avec les moyens du bord, en une petite semaine avant d'atteindre son objectif : donner un peu d'espoir - et même de tendresse - à tous, touchés de loin ou de près par le Covid-19.
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© Capture d'écranValentin Vander a réuni 45 artistes confinés par écrans interposés pour interpréter la chanson « La tendresse »
Écrite par Noël Roux, composée par Hubert Giraud, « La tendresse » accéda au panthéon des chansons éternelles grâce à l'interprétation de Bourvil en 1963, avant d'être reprise maintes fois, notamment par Marie Laforêt et plus récemment les Kids United. Cette fois, 45 chanteurs, emmenés par Valentin Vander, reprennent, chacun chez soi ou dans son jardin, la célèbre chanson en français et même en italien et espagnol.

Video

Aujourd'hui plus que jamais : Fahrenheit 451 de François Truffaut ou la passion des livres

Dans ce pays, les pompiers sont là pour brûler les livres, tous interdits ; mais un pompier est pris de doute... Seul film de Truffaut tourné avec des techniciens anglais, en anglais, une langue qu'il maîtrisait mal, ce qui le mit mal à l'aise. Le projet, adapté d'un roman de Bradbury, fut très difficile à monter, mais Truffaut tenait à tourner ce versant noir de sa passion pour la littérature.
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Il ne cachait pas son peu de goût pour la science fiction cinématographique et ses effets spéciaux : d'où sa volonté d'ancrer l'action dans des décors réels avec des éléments d'anticipation prévisibles - le rôle de la télé. Le choix de demander à Bernard Herrmann de composer la musique ajoute une dimension hitchcockienne à l'action. Un film unique dans son œuvre.

Commentaire: Avec tout ce que nous voyons de nos jours, combien de temps encore serons-nous libres de lire et d'apprendre, libres de penser, libres de réfléchir. Le temps sembler nous presser a garder nos livres, à les chérir et à les protéger. Et du coup nous protéger.

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Books

La « banalité du mal » revisitée

L'expression « banalité du mal » provient du sous-titre du livre qu'Hannah Arendt a consacré au procès d'Adolf Eichmann, le haut fonctionnaire nazi chargé de la logistique de la déportation des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale (1).
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© InconnuAdolph Eichmann pendant son procès
Ayant fui vers l'Argentine après la guerre, A. Eichmann est retrouvé par les services secrets israéliens en 1960, arrêté puis conduit en Israël où son procès s'ouvre en 1962. H. Arendt assistera à tout le procès pour le New York Times.

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Bulb

Renaud Capuçon prodigue ses remèdes musicaux face au confinement

La semaine passée, il avait enjoint sur Twitter : « Écouter Bach. Et prier ». Le cœur de Renaud Capuçon a la sensibilité d'un sismographe. Quand les événements tournent au tragique - la dernière fois, au moment de l'incendie de Notre-Dame -, il dégaine sa meilleure arme : son violon.
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© Inconnu
Depuis dimanche, le musicien, qui a déjà dû annuler une trentaine de dates de concerts à cause de la pandémie, poste un extrait musical chaque jour. Dvorak d'abord, Massenet et Fauré ensuite. D'autres suivront, tout au long du confinement. En plus de ce remède quotidien, Renaud Capuçon nous a glissés une ordonnance de musiques à écouter pour soulager les cœurs. Et ça marche !

Les Partita pour piano de Bach, par Murray Perahia. « Ce compositeur est un remède à tout, affirme Renaud Capuçon. Il dépose un baume, donne à la fois de l'énergie et du réconfort. »

Commentaire:




Gem

Pendant le confinement et en famille : et si on relisait « Le Journal d'Anne Frank » ?

Le 20 juin 1942, Anne Frank écrit dans son journal intime : "Il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne s'intéressera aux confidences d'une écolière de treize ans." Il est aujourd'hui l'un des livres les plus connus au monde. Le journal d'un confinement très particulier. A-t-il quelque chose de nouveau à nous apprendre ?

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Calmann-Lévy -2017
« Je considère notre clandestinité comme une aventure dangereuse, qui est romantique et intéressante. Dans mon journal, je considère chaque privation comme une source d'amusement ». Anne Frank, 1944