« Ce qui dans le monde non-totalitaire prépare les êtres humains à la domination totalitaire, c'est le fait que la solitude, une expérience autrefois peu habituelle dont on souffrait surtout dans certaines conditions sociales marginales comme la vieillesse, est devenue une expérience quotidienne... »
~ Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme - 1951
Note du traducteur : Notons que tout en arrivant à la conclusion développée dans cet article, Hannah Arendt appréciait sa propre solitude. Nous ne sommes toutefois pas tous soumis au même « terreau » — l'esprit — et les « graines » — la connaissance — ne poussent pas partout de la même manière. Pour celles qui réussissent à se développer en dépit d'un terreau fragile, il en est un certain nombre qui ne résisteront pas aux événements extérieurs, et finalement, seule une petite quantité aura germé sur le bon terreau, développé des racines profondes et sera devenue robuste face aux aléas de la vie. Voir « La parabole du semeur », une parabole évangélique racontée dans les trois Évangiles synoptiques: Matthieu XIII, 1-23; Marc IV, 1-20, Luc VIII, 4-15.« S'il te plaît, écris-moi régulièrement, sinon je vais mourir ». Hannah Arendt n'avait pas l'habitude de commencer les lettres à son mari de cette façon, mais au printemps 1955, elle s'est retrouvée seule dans un « désert ».
Après la publication de Les origines du totalitarisme, Hannah Arendt est invitée à donner une conférence à l'université de Californie, à Berkeley. Elle n'aime pas l'atmosphère intellectuelle qui y règne. Ses collègues n'ont pas le sens de l'humour, et le spectre du maccarthysme plane sur la vie sociale. On lui dit qu'il y aura trente étudiants dans ses classes de premier cycle : il y en a cent vingt dans chacune d'entre elles. Elle déteste être sur scène pour donner des cours tous les jours :
« Je ne peux tout simplement pas être exposée au public cinq fois par semaine — ce qui revient à dire que je n'échapperai jamais aux regards du public. J'aurais l'impression de devoir me chercher partout. »Hannah Arendt trouve son oasis dans la personne d'un docker de San Francisco devenu philosophe, Eric Hoffer, mais elle n'est pas sûre de lui non plus : elle dit à son ami Karl Jaspers que Hoffer est « la meilleure chose que ce pays ait à offrir » ; elle dit à son mari Heinrich Blücher que Hoffer est « très charmant, mais pas brillant ».
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